Je me souviens de mon premier cours de yoga.
Je me souviens que ma vie était sens dessus dessous à ce moment-là : je me réveillais la nuit et je voulais me jeter par la fenêtre, je m’agrippais au matelas pour tenir bon, parce que l’amour de ma vie m’avait quittée. J’avais un zona sur le bras droit, une sensation de courant électrique au moindre contact. Je me sentais misérable. Et j’ai appelé ce studio de yoga comme on court vers un radeau au milieu de la tempête. Les vésicules de zona cachées sous les manches longues de mon t-shirt, me voilà sur mon tapis. C’est un cours niveau 2, un mardi soir. Tant pis, je prends ce que l’on me donne, j’ai besoin d’aide !
On commence par respirer, tout va bien. J’ai l’impression de me tenir de travers, je ne suis pas habituée à rester assise en tailleur et mon dos me fait un peu souffrir. Mais je savoure ce temps de pause, la voix enjouée de mon professeur. Tout va bien ! Et puis la première posture : un étirement des côtés. « Main gauche au sol, dans l’alignement de ta hanche. Plie le coude, sans le poser au sol. Inspire, lève le bras droit, enroule l’épaule vers l’aisselle et bascule vers la gauche. Relâche la tête. Respire et sens l’étirement depuis la hanche jusque dans le haut des côtes. Ouvre la poitrine vers le ciel… » Heu là, ça fait trop. Je ne sais plus ce qu’il faut faire à part respirer. Submergée par l’abondance des consignes, je sens le découragement m’attraper. Et mon regard décomposé rencontre le sourire confiant et légèrement amusé de mon professeur. Je reprends courage. Et là, je ne sais pas ce qui se passe, je me laisse porter. C’est intense, je transpire, c’est dur mais il y a quelque chose qui m’appelle dans chaque posture et même cette intensité m’attire. J’y plonge, je m’oublie, j’oublie tout !
Et la posture finale de relaxation est un moment magique, absolument inoubliable. Mon professeur me guide vers la détente. Et quand elle dit « abandonne-toi à la posture finale de relaxation Shavasana », il n’y a plus personne. Je me suis déjà complètement abandonnée, je suis au Paradis. Une paix immense me submerge et je m’en fous de tout. Le monde pourrait s’enflammer, se renverser, se remplir d’éclairs. Moi, je suis en paix, je suis baignée dans un ciel étoilé infini.
Le soir en rentrant, j’avais un peu la nausée. Je pensais que j’allais m’écrouler de fatigue mais mon corps était rempli d’énergie. Le sommeil a mis du temps à venir mais c’était un sommeil tranquille, sans réveil nocturne, sans crise de panique, un plongeon en douceur et une nuit récupératrice.
Je suis retournée prendre mon cours de yoga le lendemain soir et le surlendemain et le jour d’après encore… Pendant un an, tous les jours, j’ai bu ma pratique et j’ai regagné ma paix.
J’offre ce partage à tous mes élèves qui prennent leur cours pour la première fois. Pour leur dire que je comprends leurs blessures et que je sais à quel point c’est dur, un premier cours de yoga. C’est dur parce que la vie nous a souvent beaucoup bousculés et que l’on vient avec toutes ces tensions du corps, du coeur et du mental. Il y a tous ces noeuds à démêler.
J’offre ce partage à mes premiers professeurs de yoga que j’ai adorés tout de suite, qui m’ont ravie, inspirée, encouragée et grâce à qui je suis devenue moi-même professeure de yoga pour servir les autres à mon tour.
J’offre ce partage à toutes ces personnes chères à mon coeur, qui m’ont toujours entourée. Parfois sans savoir, sans comprendre quelle douleur secrète m’aspirait de l’intérieur. Mais vous avez toujours été là, à me témoigner votre amour, et vous avez toujours été ma raison de rester.
De mon coeur au vôtre... Namaste'
